On a déjà évoqué sur ces lignes cette question pour le moins contemporaine de ce que le salarié peut ou ne pas faire avec son outil informatique et dans quelle mesure l’employeur est tout-puissant dans le contrôle de l’activité épistolaire de ses salariés, dont il faut bien avouer qu’elle est parfois plus ou moins professionnelle.
Dans une décision du 12 avril dernier, la Cour de cassation est venue expressément fixer la règle suivante : l’employeur qui accède à la messagerie personnelle du salarié viole le secret des correspondances (Cass. soc. 7-4-2016 n° 14-27.949).
La Cour suprême n’a ainsi pas retenu l’argumentaire de la Cour d’appel qui n’avait pas vu de viol du secret des correspondances dans le fait de se procurer un courriel contenu dans la boite électronique personnelle du salarié, au motif qu’il s’agissait d’une boîte installée sur l’ordinateur professionnel de l’intéressé. Elle avait ajouté que ladite boîte avait été ouverte dans l’intérêt de l’entreprise et en raison d’une absence prolongée du salarié, et de ce que le caractère personnel du message consulté ne ressortait ni de son intitulé ni de son contenu.
La Cour de cassation, casse donc la décision rendue et, usant d’une formulation sans appel (si j’ose dire), considère que l’employeur ne peut pas consulter la messagerie personnelle d’un salarié, même si elle est installée sur l’ordinateur mis à la disposition de ce dernier pour les besoins de son travail. Elle précise qu’il appartenait à la Cour d’appel de rechercher : « si le message électronique litigieux n’était pas issu d’une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité et s’il n’était pas dès lors couvert par le secret des correspondances. »
Cette phrase est toutefois un peu surprenante puisqu’en légère contradiction avec la motivation de l’arrêt de la Cour d’appel qui avait retenu que « le caractère personnel du message ne ressortait ni de son intitulé ni de son contenu ». Il semble que la recherche ait été faite par la Cour d’appel, mais insuffisamment selon la Cour de cassation.
Si l’on en revient aux principes applicables, il convient de rappeler que les e-mails personnels du salarié sont par principe couverts par le secret des correspondances, qu’ils aient été adressés ou reçus au temps et au lieu de travail (Cass. soc. 2-10-2001 n° 99-42.942). Pour assurer le respect de cette obligation, le salarié doit toutefois avoir pris la précaution d’identifier comme personnelles lesdites correspondances. A défaut, l’employeur peut librement consulter tout ce qui transite par la messagerie professionnelle de ses salariés (Cass. soc. 18-10-2011 n° 10-26.782).
Cette précaution afférente à la messagerie de l’entreprise ne s’applique en revanche pas aux e-mails reçus ou transmis par le biais d’une messagerie personnelle du salarié. En effet, les messages qu’elle contient sont par nature couverts par le secret des correspondances.
La conséquence logique de ce subtil distinguo (par nature/par principe) interdit donc en tout état de cause à un employeur d’ouvrir une messagerie personnelle sous le seul prétexte qu’elle est installée sur un ordinateur professionnel (cette distinction n’existe pas quand les e-mails sont enregistrés sur le disque dur de l’ordinateur, ils deviennent alors accessibles à l’employeur, hors la présence de l’intéressé, sauf à être stockés dans un fichier identifié comme personnel (Cass. soc. 19-6-2013 n° 12-12.138).