L’exercice quotidien, et évidemment surtout pas laborieux, de notre noble profession nous a permis de constater une évolution que nous qualifierons d’anglo-saxonne dans la rédaction des transactions postérieures au licenciement.
Eût un temps, que je n’ai d’ailleurs même pas connu, ce type de document faisait joyeusement une page dans laquelle était à peine évoquée la guerre, pour en venir tout de suite à la paix et à ses conséquences en termes de réparation pécuniaire (le cœur du débat en somme).
Avec le temps qui passe, viennent les complications et le souci d’anticipation dans un monde de plus en plus incertain. Les protocoles se sont donc épaissis et renforcés, les rédacteurs s’efforçant de tout prévoir et même l’impossible afin de garantir à leurs clients sécurité et tranquillité de l’esprit (à un tarif qui fait sourire).
Il est vrai que, justifiant ces préventions d’avocats pointilleux, la chambre sociale de la Cour de cassation persistait, dans certains arrêts, à retenir une conception restrictive de la portée d’une transaction (contrairement à l’Assemblée plénière de la même Cour qui considérait que la signature d’une transaction donnait une portée générale à la renonciation à toute réclamation).
Ainsi, elle considérait que les obligations ayant vocation à s’appliquer postérieurement à la rupture du contrat de travail n’étaient pas comprises dans l’objet de la transaction, en l’absence de dispositions expresses (clause de non-concurrence, options sur titres etc.).
La Cour de cassation est finalement venue rappeler que la transaction rédigée en termes généraux interdit toute demande d’indemnisation ultérieure, rejoignant finalement l’interprétation de l’assemblée plénière (Cass. soc. 11-1-2017 n° 15-20.040 FS-PB).
Il est vrai que pouvait être grande la tentation du salarié de solliciter encore plus de monnaie sonnante et trébuchante en découvrant un préjudice jusqu’alors ignoré, mais reconnu par la jurisprudence postérieurement à la signature de l’accord transactionnel.
Pour mémoire, une transaction a pour objet de mettre fin à toute contestation née ou à naître résultant de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail, au moyen de concessions réciproques (articles 2044 et suivants du Code civil : « (…) terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. »). Elle devrait donc définitivement éteindre les contestations qui en font l’objet. Seules les demandes ayant un objet différent restent toutefois recevables.
En l’espèce, le salarié et l’employeur avaient conclu une transaction aux termes de laquelle le premier déclarait être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun grief quelconque à l’encontre de la société du fait de l’exécution comme de la rupture de son contrat de travail. Une formulation somme toute assez classique et rédigée dans les règles de l’art et du droit. Le salarié n’en avait pourtant pas moins quand même saisi ultérieurement la juridiction prud’homale d’une demande en réparation de son préjudice d’anxiété en lien avec une exposition à l’amiante, le site où il travaillait étant inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée des travailleurs de l’amiante.
La notion de reconnaissance et de possible indemnisation d’un tel préjudice d’anxiété résultait d’une jurisprudence postérieure à la signature de la transaction (Cass. soc. 11-5-2010 n° 09-42.241), et n’aurait donc pas pu être expressément prévue par la transaction signée par les parties.
Les juges du fond, retenant une interprétation stricte d’une transaction ne contenant aucune disposition de type « Retour vers le Futur », avaient déclaré recevable la demande du salarié.
La Chambre sociale de la Cour de cassation décide de ne pas suivre un tel raisonnement et censure : étant donné les termes généraux de la transaction, le salarié n’était plus recevable à saisir la juridiction prud’homale d’une demande en lien avec l’exécution ou la rupture de son contrat de travail, une évolution ou un changement de jurisprudence ne pouvant pas modifier l’objet de la transaction.
L’on ne peut que se réjouir d’une décision dont les termes sont de nature à sécuriser les transactions existantes et à rappeler qu’il n’est pas forcément nécessaire de surcharger les dispositions d’un tel document pour se prémunir des dangers de l’avenir.