Sur les barreaux de l’échelle de la complexité des rapports humains, on trouve forcément les relations de travail et les rapports homme femme. Il arrive évidemment que cela se mêle, et dans un mouvement nécessaire et salvateur, la loi, la jurisprudence, et tout simplement la société, sont venus faire un ménage nécessaire face à des comportements légitimement considérés comme archaïques.
Ainsi, il n’est plus question de voir dans les tenues vestimentaires ou le sourire de la victime d’abord une invite et ensuite une excuse absolutoire en cas de harcèlement (ce qui est d’ailleurs heureux : CA Limoges 13-10-2015 no 14/01164)
La question qui était posée en l’espèce à la Cour de cassation était celle de l’ambiguïté réciproque comme moyen de faire échec à l’accusation de harcèlement sexuel (Cass. soc. 25-9-2019 n° 17-31.171 F-D, S. c/ Sté Transdev Ile-de-France).
En l’espèce, un responsable d’exploitation avait envoyé, de manière répétée et durable, des SMS au contenu déplacé et pornographique à l’une de ses subordonnées (cas où des faits de la vie privée peuvent être rattachés à la vie professionnelle et justifier un licenciement). Cette dernière n’était semble t’il pas restée de marbre dans cette relation épistolaire, mais prétendait malgré tout n’y avoir donné suite que par jeu. Informé de ces évènements, l’employeur a tranché et licencié ledit responsable hiérarchique pour faute grave.
Le supérieur érotomane saisit alors la juridiction prud’homale, et devant la Cour d’appel trouve un peu de mansuétude puisqu’est exclue la reconnaissance des faits de harcèlement sexuel, la juridiction s’appuyant sur l’attitude ambiguë de la salariée qui s’en plaignait (elle aurait en effet adopté sur le lieu de travail et à son égard « une attitude très familière de séduction »).
La Cour considère néanmoins que le licenciement est justifié, mais requalifie la faute grave en cause réelle et sérieuse. Elle a en effet considéré comme fautif le fait pour un salarié d’envoyer, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et pendant deux ans, à une collègue dont il avait fait la connaissance sur son lieu de travail et dont il était le supérieur hiérarchique, des SMS au contenu déplacé et pornographique. L’envoyeur, exerçant les fonctions de responsable d’exploitation d’une entreprise comptant plus de 100 personnes, avait ainsi adopté un comportement lui faisant perdre toute autorité et toute crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction et dès lors incompatible avec ses responsabilités.
La Haute Juridiction retient cette même analyse : en l’absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l’encontre de la salariée, l’attitude ambiguë de cette dernière qui avait ainsi volontairement participé à un jeu de séduction réciproque excluait que les faits reprochés puissent être qualifiés de harcèlement sexuel.
Pour mémoire, il n’y a harcèlement sexuel que lorsque les faits sont subis par la victime, ce qui suppose évidemment l’absence de tout consentement (article L 1153-1 du Code du travail).
Ce qui a manqué à l’employeur pour triompher du salarié licencié c’est donc la possibilité de démontrer que l’impétrante avait expressément voulu faire cesser ce jeu de la séduction 2.0.
Cet arrêt constitue une première, mais il s’inscrit dans la lignée de décisions antérieures telle celle afférente à une ambiance grivoise générale sur le lieu de travail, chroniquée ici par nos soins
Sébastien Bourdon