Il semble que les temps changent et que les blagues vaseuses de vestiaire ne soient plus tellement tolérées par les juridictions du travail, en tout cas parisiennes.
L’article L 1132-1 du Code du travail dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, en raison de son sexe, de ses mœurs ou encore de son orientation ou identité sexuelle.
Dans une décision récente, la Cour d’appel de Paris (22 septembre 2016, n° 14/07337), faisant une application stricte de ces dispositions légales, a considéré que constituait une discrimination en raison de l’orientation sexuelle la différence de traitement subie par un salarié homosexuel ayant reçu des courriers électroniques à connotation sexuelle et souffert du comportement machiste et sexiste de ses collègues.
Ces constatations faites, la cour d’appel de Paris a ainsi lourdement condamné un employeur pour avoir dans ce cadre discriminé ledit salarié, pointant notamment la très forte baisse de sa rémunération variable, concomitante à la révélation de son homosexualité.
Dans un tel contexte, il convient de démontrer que l’employeur avait effectivement connaissance de l’homosexualité du salarié et que c’est sur cette seule information personnelle que la discrimination s’est exercée.
En l’espèce, le salarié, cadre dans le secteur bancaire, s’estimait donc victime de harcèlement et de discrimination salariale en raison de son orientation sexuelle.
Il avait donc saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes indemnitaires et salariales. Au soutien de ses prétentions étaient notamment produits aux débats de nombreux e-mails électroniques à connotation sexuelle, dont la teneur ne laissait aucun doute sur la connaissance par l’employeur de l’homosexualité du salarié.
Ces divers messages, systématiquement grossiers ou blessants (et particulièrement crétins et vulgaires, si je puis me permettre), émanaient notamment de son supérieur hiérarchique.
Selon les juges du fond, ces messages démontraient, outre la connaissance par l’employeur de l’homosexualité du salarié, l’existence d’un environnement de travail oppressant, imposé à l’intéressé par le comportement de ses collègues, dans lequel il faisait l’objet de moqueries et de remarques à caractère sexuel qui, pour certaines, le stigmatisaient du fait de son orientation sexuelle.
On relèvera également dans les faits relevés par l’arrêt que l’employeur offrait à ses salariés des soirées dans des établissements de striptease ou des prestations à caractère sexuel. Il est certain que de tels séminaires d’intégration ne sont pas forcément adaptés à toutes les sensibilités et ne témoignent au surplus pas d’une grande subtilité d’esprit (de corps).
La Cour considère également que la répétition de l’envoi des ces e-mails caractérise également une situation de harcèlement, par ailleurs étayée par les certificats médicaux versés aux débats par le salarié.
S’agissant de la discrimination salariale, elle est clairement établie dans la mesure où, après une évolution sans obstacles depuis son entrée en 2004, l’intéressé, une fois son homosexualité révélée en 2009, avait subi une baisse importante de sa rémunération variable, qui constituait par ailleurs la part la plus importante de son salaire. Ce phénomène se vérifiait au surplus par comparaison avec le sort de ses collègues (ces derniers étant peut-être moins timides quand il s’agissait d’aller dans une boîte de striptease avec le patron).
Les éléments de fait présentés par le salarié laissant supposer l’existence d’une discrimination, il appartenait donc à l’employeur de justifier cette différence de traitement par des éléments objectifs étrangers à tout motif discriminatoire, conformément à l’article L 1134-1 du Code du travail.
Les explications apportées par l’employeur furent considérées comme trop générales et n’emportèrent pas la conviction de la Cour.
Une telle décision témoigne d’une évolution indiscutable de la perception de tels évènements dans l’entreprise, mais il faut également reconnaître que les faits de l’espèce étaient, si j’ose dire, particulièrement gratinés, facilitant l’établissement de la preuve.