La logique comme la bienséance pourraient laisser à penser qu’un salarié à qui l’on confie un véhicule de fonction, ou pour l’exercice de ses fonctions, soit seul responsable des contraventions que cette conduite pourrait générer. Pourtant, les joies du droit du travail, cela n’est pas aussi simple.
En effet, même s’il semble indiscutable à l’employeur que le salarié soit responsable de la contravention routière reçue par l’entreprise, il n’en demeure pas moins qu’il ne saurait se faire justice lui-même face à un salarié récalcitrant dans le fait d’assumer ses errements automobiles. Ainsi, la retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié est illégale, y compris et même lorsqu’elle est prévue par le contrat de travail (Cass. soc. 11-1-2006 n° 03-43.587 RJS 3/06 n° 347). L’employeur doit, pour récupérer le montant des amendes auprès du salarié, engager une action devant le juge.
Dans un arrêt récent (17 avril 2013, n° 11-27.550), la Cour de Cassation a confirmé que l’employeur ne peut pas non plus espérer obtenir devant le juge prud’homal une condamnation du salarié à lui rembourser le montant de ses amendes. Dans cette affaire, contrairement au cas exposé ci-dessus, l’employeur n’avait pas opéré de lui-même une compensation entre le montant des contraventions et le salaire de l’intéressé, il avait simplement présenté au juge prud’homal, dans le cadre du litige né de la contestation par le salarié de la légitimité de son licenciement, une demande reconventionnelle tendant au remboursement par ce dernier du montant de plusieurs contraventions pour stationnement irrégulier et excès de vitesse.
La Cour de cassation rejette néanmoins son pourvoi en rappelant que, conformément à une jurisprudence constante, un salarié n’engage sa responsabilité civile envers son employeur que s’il a commis une faute lourde, ce dont l’employeur ne se prévalait pas en l’espèce. Or, sauf cas particulier, l’intention de nuire du salarié caractéristique de la faute lourde paraît devoir être écartée dans une telle hypothèse, même si, qui sait, l’on pourrait imaginer un salarié accumulant les contraventions dans le seul but de nuire à son employeur…
Cela étant, le paiement par l’employeur des amendes pour les infractions routières commises par le salarié dans l’exercice de ses fonctions avec un véhicule appartenant à l’entreprise n’est pas une fatalité.
En effet, le Code de la route désigne certes le titulaire du certificat d’immatriculation d’un véhicule ou le représentant de la personne morale lorsque ce certificat est établi au nom de celle-ci, comme pécuniairement responsables des amendes encourues au titre de certaines infractions (excès de vitesse, non-respect des règles de stationnement ou des distances de sécurité…). Mais, il permet à l’employeur de s’affranchir de cette responsabilité pécuniaire en établissant n’être pas l’auteur véritable de l’infraction (C. route art. L 121-2 et L 121-3).
A réception de l’avis d’amende, l’employeur peut donc, s’il le souhaite, former une requête en exonération de paiement dans laquelle il doit préciser l’identité, l’adresse et la référence du permis de la personne présumée conduire le véhicule lors de la constatation de la contravention (CPP art. 529-10). Le salarié auteur de l’infraction devra alors s’acquitter de l’amende. Il se verra aussi retirer sur son permis les points correspondants à cette infraction.
Le salarié ayant été le cas échéant désigné par l’employeur comme étant l’auteur d’une infraction au Code de la route peut évidemment lui-même soulever une contestation. Si à la suite de cette dernière, l’identification du véritable auteur s’avère impossible, le paiement de l’amende incombera alors nécessairement à l’employeur, en tant que titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule ou en tant que représentant légal de l’entreprise titulaire dudit certificat.
Voilà une configuration où l’on ne peut donc qu’espérer que les parties en cause soient dans les meilleurs dispositions possibles si l’on souhaite s’épargner des procédures éventuellement longues et peu palpitantes.