Des nombreux réseaux sociaux existants, il en est un supposé s’intéresser plus particulièrement au monde du travail : LinkedIn. Et chacun sur ces pages virtuelles de s’extasier de ses accomplissements comme de ceux des autres, avec l’habituelle faconde qui fait loi s’agissant de flatter autrui comme soi-même. Comme on y dit souvent : « c’est très inspirant ».
Le sujet a déjà été évoqué par la jurisprudence à propos notamment de Facebook, mais récemment la Cour d’appel de Paris s’est attachée à ce que l’on peut dire dans en ces espaces, sans dépasser certaines limites (CA Paris 23-2-2022 n 19/07192, Sté Safran Aircraft engines c/ H).
En l’espèce, était posée la question du secret professionnel, sous-tendue par l’obligation générale de loyauté. Un salarié, et cela ne semble pas absurde, doit s’interdire de diffuser auprès de tiers les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui risquent de nuire à la bonne marche de l’entreprise.
Dans le cas ici tranché, ça ne rigolait pas du tout puisque l’entreprise concernée opérait dans le secteur de la défense (nationale).
Ledit salarié exerçait les fonctions de chef de projet dans le secteur recherche et développement, avait fait l’objet d’un licenciement disciplinaire après avoir diffusé sur le réseau Linkedin des images de coupes et géométries d’un moteur, ces éléments étant, selon l’entreprise, susceptibles d’être utilisés par les concurrents.
L’employeur lui reprochait d’avoir enfreint l’obligation de confidentialité figurant dans son contrat de travail et inhérente à ses fonctions de responsable « Recherche et Développement ». Il s’avère que le règlement intérieur de l’établissement imposait en particulier de garder une « discrétion absolue » sur les informations et procédés de fabrication de la société au nom notamment d’impératifs liés à la défense nationale.
Pour se justifier et contester son licenciement, le salarié faisait valoir que les informations diffusées sur LinkedIn étaient librement accessibles et en pratique inexploitables faute de paramètres ou d’échelle. Preuve en était qu’il avait trouvé lesdites images sur un poster affiché dans les locaux, ce souci de la décoration d’intérieur ne pouvait que mal se marier avec le secret professionnel !
Las, la Cour d’appel parisienne ne l’entend pas de cette oreille et rejette les arguments du salarié, lui assénant une leçon dont on ne sait si elle lui fut profitable, mais qui pourra servir à d’autres à l’avenir : il se devait de respecter les obligations contractuelles figurant à son contrat, en l’occurrence de confidentialité et de respect du secret professionnel, sous peine de perdre son emploi (ce qui lui arriva).
Les juges du fond ont caractérisé le manquement disciplinaire estimant que :
• les images publiées provenaient d’informations issues de documents internes qui n’étaient pas destinés à une publication sur un réseau social et dont le salarié avait eu connaissance dans le cadre de l’exercice de ses fonctions ;
• il les avait utilisées sans vérifier, au regard des règles de confidentialité qui lui était applicables, s’il lui était possible de les publier.
Le fait que ces images aient été affichées dans le couloir qui mène à la cantoche ne changeait rien à l’affaire, la Cour d’appel estimant que peu importait « le degré de classification de ces documents ».
Dans un registre similaire, mais plus glamour, un salarié avait fait l’objet d’un licenciement disciplinaire après avoir publié la photographie du défilé de la nouvelle collection sur son compte privé Facebook comptant plus de 200 « amis » professionnels alors qu’il était soumis contractuellement à une clause de confidentialité (Cass. soc. 30-9-2020 no 19-12.058 FS-PBRI).