Pas plus tard qu’hier matin, j’étais au Conseil de prud’hommes de Nanterre, patientant gentiment que vienne mon tour (trois heures d’attente quand même). Avec quelques Confrères, nous évoquions les derniers développements afférents à la prise d’acte de la rupture, sujet en pointe dans l’un des dossiers de la matinée, et ce d’autant que le législateur s’est penché sur les aspects procéduraux de cette question juste avant l’été.
Il vous a en effet peut-être échappé que dorénavant, en cas de prise d’acte de la rupture du contrat par un salarié, l’affaire sera directement portée devant le bureau de jugement qui statuera dans le délai d’un mois suivant sa saisine. Le Parlement a en effet définitivement adopté le 18 juin dernier la proposition de loi relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié. Est donc supprimée donc la phase dite de conciliation (comme en matière de requalification de CDD par exemple – article L 1245-2 du Code du travail), obligeant le juge prud’homal à statuer dans le mois suivant sa saisine. Ce texte entrera en vigueur au lendemain de sa publication au Journal officiel.
Pour mémoire, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est une construction jurisprudentielle issue des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 25 juin 2003 (n° 01-42.335). Un salarié, considérant que son employeur est à l’origine de manquements sérieux dans l’exécution du contrat de travail justifiant que soit constatée sa rupture aux torts et griefs de la société, quitte l’entreprise et saisit le juge afin qu’il tranche. Si les manquements sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite des relations contractuelles, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (avec les conséquences pécuniaires en découlant : préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement et dommages et intérêts) ; dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission (et le salarié se retrouve le bec dans l’eau, pouvant même être condamné le cas échéant à verser à l’employeur une indemnité pour non respect du préavis – Cass. Soc. 4 février 2009 n° 07-44.142).
Une telle procédure, à l’issue très incertaine, est à la fois périlleuse et longue. Durant cette période d’attente pendant laquelle le juge n’a pas tranché, entre la saisine du Conseil de prud’hommes et le Bureau de jugement, le salarié se trouve alors dans une situation précaire puisque ne bénéficiant d’aucune protection sociale. En effet, sauf exceptions, l’intéressé n’a en effet pas droit aux allocations de chômage, Pole emploi estimant, légitimement, qu’il existe un doute sur le caractère volontaire ou non de la rupture. Dans les gazettes spécialisées, on évoque une durée d’attente de jugement se situant entre dix et seize mois. Hier, à Nanterre, c’était trente-et-un mois pour tout le monde (sauf les licenciements économiques)…
Afin de sécuriser la situation du salarié, ou du moins de réduire son temps d’incertitude impécunieuse, le législateur a donc décidé de mettre en place une procédure accélérée du traitement contentieux des prises d’actes par le conseil de prud’hommes. Aux termes d’un nouvel article L 1451-1 inséré dans le Code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine, sans phase de conciliation préalable.
Peut-être un peu plus au fait des réalités du terrain, les partenaires sociaux ont fait part de leur relatif pessimisme, rappelant ainsi une évidence première : fixer dans la loi un délai de jugement d’un mois ne garantit pas qu’il soit respecté. Et ce n’est pas votre serviteur, avec des dates de bureau de jugement fin mars 2017 qui va affirmer le contraire (d’autant que les délais précités ne tiennent évidemment pas compte d’une éventuelle et possible poursuite de la procédure en appel). Tous les habitués des Conseils de prud’hommes sont naturellement curieux de voir comment ces juridictions surchargées vont gérer de tels délais dans un agenda déjà surchargé.
L’enfer est pavé de bonnes intentions, le législateur s’est fait fort de nous le rappeler.