Les hasards judiciaires de la vie trépidante de notre petite structure nous ont récemment amenés à nous confronter aux principes gouvernant la confidentialité des propos tenus lors d’une audience devant le bureau de conciliation d’un Conseil de prud’hommes. Dans un cas, nous nous trouvâmes en position d’accusé, dans l’autre d’accusateur. Et ce n’est pas faire excès de modestie que d’indiquer tout de suite que, dans les deux cas, nous fûmes victorieux, quand bien même les textes gouvernant la matière ne seraient pas forcément limpides.
Le préavis en cas de rupture de période d’essai a, de tous temps, constitué un véritable casse-tête, la durée de ce dernier pouvant déborder la date de rupture, prolongeant en quelque sorte une période d’essai en réalité… achevée. L’imprécision des textes en la matière n’arrangeant il faut bien dire pas grand-chose.
Pour mémoire, l’article L 1221-25 du Code du travail prévoit le respect d’un délai de prévenance en cas de rupture d’une période d’essai. La durée de ce délai varie en fonction de la durée de présence du salarié dans l’entreprise et de la personne qui prend l’initiative de la rupture.
Ce texte précise par ailleurs que la période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.
Que déduire alors d’une exécution dudit préavis. Du fait du respect du délai de prévenance, si ce dernier était travaillé, le risque existe de voir un salarié dont la période d’essai est rompue être présent dans l’entreprise au-delà de ladite période.
La Cour tranche en quelque sorte la question en des termes finalement assez clairs : en cas de rupture de la période d’essai, la poursuite du contrat de travail au-delà du terme de cette période pour respecter le délai de prévenance fait naître un nouveau CDI ne pouvant être rompu par l’employeur que par un licenciement (Cass. soc. 5 novembre 2014 n° 13-18.114 (n° 1932 FS-PB).
Ainsi, tout va bien, sauf si l’on a l’idée saugrenue de demander au salarié de travailler alors que l’on ne veut plus de lui et qu’on le lui a déjà notifié.
En l’espèce, le salarié était soumis à une période d’essai de trois mois devant se terminer le 16 avril. Le 8 avril, l’employeur l’avait informé de la fin de son contrat à compter du 22 du même mois. S’estimant licencié, le salarié réclamait des dommages-intérêts. La cour d’appel l’avait débouté jugeant qu’il avait bien bénéficié du préavis de deux semaines auquel il pouvait prétendre.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle juge qu’en cas de rupture de la période d’essai, le contrat de travail prend fin au terme du délai de prévenance s’il est exécuté, et au plus tard à l’expiration de la période d’essai. La poursuite de la relation de travail à l’expiration de cette période donne naissance à un nouveau contrat à durée indéterminée qui ne peut être rompu à l’initiative de l’employeur que par un licenciement.
A défaut de notifier le licenciement dans les conditions légales requises, donc sans informer le salarié des motifs de la rupture, le licenciement est abusif. Le salarié ainsi licencié peut alors prétendre, en application de l’article L 1235-5 du Code du travail, à la réparation du préjudice nécessairement subi (Cass. soc. 24 janvier 2006 n° 04-41.341) et dont l’étendue est souverainement appréciée par les juges du fond (Cass. soc. 25 septembre 1991 n° 88-41.251 ; 14 mai 1998 n° 96-42.104).
L’employeur a donc intérêt à rompre la relation de travail au plus tard au terme de la période d’essai même si le préavis ne peut plus être exécuté. Ce manquement ne rend pas le contrat définitif et la rupture ne s’analyse pas en un licenciement (Cass. soc. 23-1-2013 n° 11-23.428). De manière plus générale, il est donc recommandé, en cas de rupture de période d’essai d’un salarié ne donnant pas satisfaction, de ne surtout pas lui faire effectuer un préavis qui perdurerait au-delà de la durée de ladite période.
Pour mémoire, sauf s’il a commis une faute grave, le salarié dont la période d’essai est rompue a droit à une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages qu’il aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de préavis, conformément à l’article L 1221-25 du Code du travail tel que complété par l’ordonnance 2014-699 du 26 juin 2014 (ordonnance venue préciser des textes pour le moins abscons comme l’avait justement relevé la Cour de cassation dans son rapport annuel de 2012).
Sébastien Bourdon