Rompre n’est pas chose aisée, le droit du travail nous le rappelle tous les jours. La question de la compétence ou de l’adéquation à une fonction est une question particulièrement pertinente, si l’on part du principe - pas forcément absurde puisqu’il est payé - que l’employé se doit d’être utile et efficace.
La recherche en management définit la compétence du salarié par trois dimensions cumulatives : l’autonomie, la collaboration et la responsabilité (Zarifian 2001). Partant de là, à charge pour l’employeur de déterminer où et comment l’employé a failli.
Lorsque l’employeur se prend ainsi à considérer que tel ou tel salarié ne fait plus l’affaire et décide donc de le licencier, il convient alors de distinguer ce qui relève de l’incompétence ou du manquement volontaire, voire fautif.
C’est dans ce cadre qu’avec une pertinence réitérée, la Cour de cassation a récemment rappelé que des faits fautifs ne peuvent pas justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle (Cass. soc. 9-1-2019 n° 17-20.568 F-D, K. c/ Sté Crédit agricole Corporate and Investment Bank).
On peut travailler mal et ne pas le faire exprès (c’est généralement ce qu’essaye de plaider l’ado moyen auprès de ses parents à réception du bulletin scolaire), ou bien se comporter mal et volontairement saccager ses tâches au détriment des intérêts de l’entreprise (sans forcément aller jusqu’à l’intention de nuire, qui relève elle de la faute lourde).
Pour mémoire, l’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité du salarié à accomplir les tâches qui lui sont confiées en raison d’un manque de compétences. Elle résulte donc par principe d’un comportement involontaire de l’intéressé et ne saurait être fautive. Ainsi l’employeur ne peut pas, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée de l’intéressé, se placer sur le terrain de la faute.
Conséquemment, le licenciement disciplinaire fondé sur la seule insuffisance professionnelle du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 13-1-2016 n° 14-21.305 F-D ; Cass. soc. 27-2-2013 n° 11-28.948 F-D).
A l’inverse, l’employeur ne peut pas motiver la rupture sur l’insuffisance professionnelle s’il justifie sa décision par des manquements volontaires tels que le non-respect des consignes. En effet, cette qualification recouvre alors celle de l’insubordination, même si finalement, le résultat est le même : le boulot n’est pas – ou mal – fait. Ce n’est donc pas la conséquence qui prime, c’est le comportement qui en est à l’origine.
En l’espèce, un salarié avait été licencié pour insuffisance professionnelle quand lui étaient reprochés des manquements manifestement volontaires.
La Cour de cassation a donc ici légitimement rappelé aux praticiens que repose sur un motif disciplinaire, et non sur une insuffisance professionnelle, le licenciement motivé par le refus quasi systématique du salarié de se soumettre aux directives de son responsable hiérarchique, de lui serrer la main et, lors d’une convocation dans son bureau, le refus de s’y asseoir, la critique de la politique managériale et l’opposition, parfois de manière virulente, à son responsable.
Toutefois, s’agissant même de la rupture pour manquement professionnel involontaire, l’on pourrait même s’interroger sur sa légitimité de principe quand le licenciement pourrait être considéré comme étant intrinsèquement une sanction au sens des dispositions de l’article L 1331-1 du Code du travail (sauf pour motif économique), supposant alors nécessairement la commission d’une faute (« agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif »).
Sébastien Bourdon