On ne transige plus sur la rupture

Droit Social

Faisant suite à des développements déjà évoqués sur ces lignes l’an passé, la Cour de cassation est venue récemment préciser les possibilités de conclure un accord transactionnel à la suite d’une rupture conventionnelle (Cass soc 26 mars 2014 n° 12-21.136 (n° 660 FP-PBR), M c/ Institut Polytechnique Lasalle Beauvais).

Sans grande surprise, la Cour de cassation répond par l’affirmative à la possibilité d’une transaction dans le cadre décrit, mais elle impose des conditions assez draconiennes.

Tout d’abord, s’agissant de la date de signature, elle rappelle que, pour être valable, la transaction doit nécessairement  intervenir postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle par l’administration ou, s’agissant des salariés protégés, après la notification de son autorisation par l’inspecteur du travail. Les deux opérations doivent donc être dûment séparées et se suivre (à l’instar de ce qui se fait en matière de transaction après un licenciement, cette dernière ne pouvant se produire qu’une fois la notification de la rupture dûment effectuée par la voie recommandée).

Ensuite et surtout, et c’est là que les choses se corsent un peu plus, la transaction signée postérieurement à une rupture conventionnelle ne saurait pas avoir pour objet de régler un différend relatif à la rupture du contrat de travail. De ce fait, la transaction qui interviendrait postérieurement à la validation d’une rupture conventionnelle ne pourrait porter que sur un litige en lien avec l’exécution du contrat de travail et tout autre réclamation, afférente, sans lien avec la convention de rupture elle-même (une transaction ne pourrait ainsi couvrir un vice du consentement).

La Cour de cassation semble par là vouloir mettre fin à l’impossibilité de contester une rupture conventionnelle, même prudemment complétée par une transaction postérieure. Il est vrai qu’un tel raisonnement est cohérent : la rupture conventionnelle suppose par principe l’absence de différend entre le salarié et l’employeur, contrairement à la transaction qui vient justement à mettre fin à un litige ouvert entre les parties.

Cette solution s’inscrit dans la droite ligne de celle dégagée par la Cour en juin 2013 par la Cour de cassation, selon laquelle les parties à la convention de rupture ne peuvent pas renoncer, par avance, à leur droit de contester la rupture, une telle clause étant réputée non écrite sans affecter pour autant la validité de la convention (Cass. soc. 26 juin 2013 n° 12-15.208 (n° 1212 FS-PBR)).

En limitant la possibilité aux parties de transiger sur les seuls conflits relatifs à l’exécution du contrat de travail et à la condition que la transaction ne porte sur un élément déjà réglé par la convention de rupture, la Cour de cassation restreint considérablement en pratique les possibilités de conclure une transaction à la suite d’une rupture conventionnelle. En effet, la transaction est plus que fréquemment utilisée pour régler les conflits afférents à la rupture de la relation de travail (bien-fondé, conséquences pécuniaires…).

Le succès indiscutable rencontré par ce mode alternatif de rupture allait nécessairement engendrer un encadrement jurisprudentiel strict de sa pratique, c’est la voie logique suivie par la Cour de cassation, sans doute soucieuse d’éviter un dévoiement des textes applicables…

Des nouvelles de la rupture conventionnelle

Droit Social

Avant de se noyer dans la torpeur de l’été, quelques informations pour le moins essentielles à l’usage de la rupture conventionnelle nous étaient parvenues de la Cour de cassation, il serait regrettable de les ignorer encore à l’approche de la rentrée.

Longtemps, l’on a pu s’inquiéter de la signature d’un tel processus de sortie de l’entreprise d’un salarié lorsqu’un conflit plus ou moins larvé, ou plus ou moins ouvert, existait entre l’employeur et le futur partant. Il pouvait effectivement sembler que le législateur avait voulu ici créer un processus totalement pacifique de sortie, et certainement pas un mode alternatif de règlement des conflits. La Cour de cassation, sans trahir l’intention du législateur, et s’inscrivant même dans la volonté exprimée par les partenaires sociaux dans l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, a tranché cette question dans un arrêt du 23 mai 2013 en permettant le recours à une rupture conventionnelle en cas de litige entre les parties (Cass. Soc. 23 mai 2013 n° 12-13.865).

En effet, les partenaires sociaux avaient assigné pour objectif à ce qui allait devenir la rupture conventionnelle la possibilité pour l’employeur et le salarié de se séparer dans le cadre d’un processus négocié, sans passer par la procédure de licenciement, y compris lorsque cette rupture pouvait résulter d’un désaccord compromettant la poursuite du contrat de travail entre les parties.

Le processus de rupture conventionnelle étant encadré par diverses règles procédurales (entretiens, homologation, délai de rétractation, délai de contestation…), l’on peut légitimement considérer que les garanties nécessaires à un consentement éclairé sont données aux parties, permettant une rupture conventionnelle, même en cas de litige ouvert. Comme dans toute convention, le consentement doit simplement être donné librement, entraînant à défaut la nullité de la rupture. La rupture conventionnelle peut alors être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse (mais n’entraîne pas sa nullité). Cette possibilité de rupture conventionnelle en cas de conflit a entraîné un relatif emballement chez certains qui allaient jusqu’à imaginer que signer un formulaire CERFA permettait de mettre fin à tout conflit, présent ou futur, assurant une tranquillité éternelle postérieurement au départ du salarié. Las, c’était confondre convention de rupture et protocole transactionnel. Là aussi, dans la droite ligne de la jurisprudence précitée, la cour, confirmant la validité d’une convention de rupture en présence d’un différend, est venue rappeler cette évidence, il ne s’agit en revanche pas d’une transaction au sens des articles 2044 et suivants du Code civil. Ainsi, une clause de renonciation à tout recours insérée dans une convention de rupture doit être réputée non écrite, comme contraire à l’article L 1237-14 du Code du travail (Cass. Soc. 26 juin 2013 n° 12-15.208). En effet, une transaction n’est valable que si elle est conclue postérieurement à la rupture définitive du contrat de travail, et ce quel que soit le mode de rupture (Cass. soc. 29 mai 1996 n° 92-45.115).

Il eût été intéressant d’obtenir également de la Cour de cassation à cette occasion une position claire sur la possibilité de conclure une transaction après une rupture conventionnelle homologuée. Cette pratique est fréquente et rien ne paraît l’interdire, une confirmation serait toutefois éventuellement bienvenue.